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"Travailler plus pour gagner plus" ou "Travailler moins et vivre mieux"

6 Novembre 2007 , Rédigé par Jean-François Publié dans #Humeurs

A quatre mains cet article a été écrit. Depuis quelques temps sur le Blog à Jef de nombreux sujets de société sont débattus et discutés. Celui-ci me chatouillait les narines, je voulais qu'il passe à la moulinette de ce blog corrosif et intelligent. Voilà, c'est fait. Un petit raté de planning a fait que le sien a paru plus tôt, ma paresse probablement, mais que je revendique haut et fort !

« Travaillez plus pour gagner plus »

Ces quelques mots nous trottent dans la tête depuis pas mal de temps : les médias et certaines de nos élites politiques nous martèlent cette petite phrase devenue un véritable dicton. Notre chef de l’Etat en a fait sa phrase de chevet, elle est devenu son cheval de bataille. Tant et si bien qu’il a souhaité l’appliquer à sa fonction présidentielle : travaillant autant, sinon plus que son Premier ministre, il lui a paru tout à fait normal de gagner autant que lui. Ce n’est pas sur cette dernière rémunération que nous souhaitons vous entretenir, mais plutôt sur les quelques mots qui ont provoqué cette soudaine augmentation salariale de 140 % (Ah ! le jour béni où les fonctionnaires, commençons par eux, auront une augmentation annuelle de, allez soyons modestes, 100 %...).  

Cette phrase, donc, : « travaillez plus pour gagner plus » cache une idéologie (pour quelqu'un qui s'en défend, ce n'est pas bien !). Le concept qui prétend que le travail et l'argent sont intrinsèquement liés. Allons même plus loin : que l'argent est l'ultime finalité du travail. Exit, donc, son aspect social : participer par le travail à une société humaine ; sa dimension psychologique : le travail devient un outil de réalisation personnelle. Le travail n’est plus pensé comme une activité de la vie parmi d’autres : l’engagement associatif, militant, cultuel, les activités familiales, de loisirs, festives, les temps d’apprentissages, d’études, de formations mais aussi (et surtout) le droit de ne rien faire. Le travail devrait être un des agréments de la vie, vécu comme un plaisir et non une corvée, avec comme corollaire une consommation modérée et sans contraintes.

L'idée qui se cache maladroitement sous ce concept, sonnant comme un slogan publicitaire fallacieux, est celle du primat de l'argent sur le travail, de l'immatérialité sur l'action, de la valeur sur l'objet. Et pourtant, l'argent est-il plus important que le travail ? Peut-on travailler sans être rémunéré ? Peut-on gagner de l'argent, recevoir
une rémunération sans fournir un travail en contrepartie ? Ces idées, sont-elles devenues si obsolètes, si incongrues que plus personne n'ose discourir sur ce sujet ? Alors qu’il était au cœur des discours politiques, il y a si peu de temps…   

droit----la-paresse.jpg"Pour qu'il parvienne à la conscience de sa force, il faut que le prolétariat foule aux pieds les préjugés de la morale chrétienne, économique, libre penseuse ; il faut qu'il retourne à ses instincts naturels, qu'il proclame les Droits de la Paresse, mille et mille fois plus sacrés que les phtisiques Droits de l'Homme concoctés par les avocats métaphysiques de la révolution bourgeoise ; qu'il se contraigne à ne travailler que trois heures par jour, à fainéanter et bombancer le reste de la journée et de la nuit"
. C'est là un extrait du "Droit à la paresse" de Jules Lafargue, par ailleurs gendre de Karl Marx, paru en 1880 (dont on trouvera un résumé là).


eloge-de-loisivete.jpgS'ensuivit "L'éloge de l'oisiveté" de Bertrand Russel publié dès avant-guerre: "Les méthodes de production modernes nous ont donné la possibilité de permettre à tous de vivre dans l'aisance et la sécurité. Nous avons choisi à la place, le surmenage pour les uns et la misère pour les autres : en cela, nous nous sommes montrés bien bêtes, mais il n'y a pas de raison pour persévérer dans notre bêtise indéfiniment”.

Plus près de nous, je crois que c'était dans les années 60, nous avions beaucoup apprécié le film "Alexandre le bienheureux", avec le regretté Philippe Noiret et la piquante Marlène Jobert. Dans ce film d’Yves Robert, Alexandre, lassé des tâches quotidiennes se met au lit, se bornant à déboucher quelques bonnes bouteilles, et déstabilisant peu à peu les certitudes de son voisinage. Alexandre-le-bienheureux.jpg

Enfin et parce qu’il s’agit d’inculquer très tôt les bonnes valeurs, nous ne saurions mieux vous conseiller la lecture de "Rien faire" de Magali BonniolRien-faire.jpg. Un album, accessible dès le plus jeune âge, sur les tribulations paresseuses d’une petite fille et de son ourson en peluche. Pour enchaîner ensuite par "Monsieur crocodile a beaucoup faim" de Joan Sfarmonsieur_crocodile.jpg, où les tribulations d’un crocodile affamé et d’une petite fille vivant chez sa tante (ses parents dorment sous les verrous), magnifique fable sur la stupidité des modèles économiques actuels, qui de plus bat en brèche toute forme de morale bien pensante. (À croire finalement que nos penseurs d’aujourd’hui ne sont pas où nous devrions les attendre, ils investissent pour l’avenir).

Et si finalement le sens de la vie se situait quelque part de ce côté, travaillant juste le nécessaire pour répondre aux vraies valeurs et assouvir les vrais besoins, loin des stress qu'accompagne la norme publicitaire à consommer toujours davantage, à nous soumettre aux angoisses du crédit, à vouloir "avoir l'air" et en oubliant la chanson, à avoir plutôt qu'être ? L'absurdité existentielle du slogan sarkozien débouche sur les maladies professionnelles et celles que créée le stress, les suicides au travail, la concurrence entre travailleurs au plus grand bénéfice des rentiers qui eux mènent grand train. Ces trains-là ne nous intéressent pas, nous préfèrons maintenant de beaucoup les tortillards d'une vie conviviale, un intérieur simplement composé d'une table et de chaises pourvu qu'elles soient bien garnies (la table et les chaises). Que faut-il pour ça ? À la fois s'interroger sur ses besoins réels et réorganiser le monde.

Qui osera dire : « "Travaillez moins, vivre mieux" ? c'est ce que je veux !!!  ». On commence quand ?

Co-écrit pet Jef et Jeff

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S
I vote for the work less and live better slogan. We should work to live and not only to make money. Just having lot of money cannot bring happiness to our life. But it is something most people of present generation.
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R
je partage votre point de vue, comme si la recherche du profit était aujourd'hui la seule façon d'être heureux ! voici une chansson qui se moque assez bien de cet aspect pervers : http://maisquiestarbon.over-blog.com/article-22887319.html
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M
ben voila moi j aimerai bien "travailler moins et gagner moins et vivre mieux.donc depenser moins recycler,echanger ect il y a plein de choses a faire et si nous tentions?
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J
<br /> Il faut du courage pour tenter, mais chaque petite action est importante... et peut-être la plus importante : ne pas se tromper quand on met son buletin dans l'urne... et faire pression ensuite<br /> pour faire valoir ces idées...<br /> <br /> <br />
S
Ha! Testeur de chaise longue sur la Promenade des Anglais, les pieds sur le tube blanc… Et la bas, entre mes tongs, la mer immense et l'horizon scintillant de Saint-Jean-Cap-Ferrat jusqu'au-delà du cap d'Antibes. En-bas, sur la grève, de furieuses vaguelettes d'au moins deux centimètres de haut, se ruent, rageuses, à l'assaut de galets, gris, immobiles et polis, déjà somnolents sous les premiers rayons que Phébus leur darde. Sèchent les carapaces. Tandis que ce lilliputien tsunami s'exaspère, je baille et retourne à ma besogne très technique : essai du nouveau modèle de siège avant le sommeil paradoxal.<br /> <br /> Si le Jean-François d'en haut ne fait pas trop de raffut avec ses emberlificotements de mots vulgaires et dissonants : travail, bénévolat… ahhhhhhhhh! que c'est bon de bailler……
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L
Billet très beau et très juste dont je me permettrai de faire un lien sur mon propre blog dont le sujet est justement, sinon l'oisiveté en tous cas s'enrichir non d'argent mais de l'autre...
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J
Ah ! ça c'est très chouette !!!
C
Je suis pleinement d'accord ! Travaillons tous moins et autrement et SURTOUT pour des objectifs socialement uiles et non pour enrichir le patronat et les spéculateurs.
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M
Billet intéressant même si je ne suis pas forcément d'accord avec votre rhétorique. Dire 'travailler plus pour gagner plus' sous-tend nécessairement que "travail et argent son intrinsèquement liés", c'est un raccourci un peu facile. Ce sont travail (au sens de production non utile au salarié) et salaire (pas nécessairement de l'argent) qui vont de pairs. Le salaire n'est alors qu'une valorisation pratique représentatif de la plus-value générée par un individu pour l'ensemble (une partie ?) de la société.Mais ce n'est bien sûr qu'une partie de ce qu'apporte le travail, on y trouve aussi une reconnaissance de soi, une vie sociale voire une "realisation personnelle" et bien d'autres choses encore...A mon sens le bénévolat n'est pas un travail mais une activité par le fait même qu'il n'y a pas de rémunération, de même que la participation à wikipedia, de faire mon blog ou encore poster des commentaires.Il ne me reste plus qu'à me plonger dans l'éloge de la paresse et retourner ma coucher en priant pour que mon salaire augmente de 140% pour pouvoir travailler moins et gagner autant..!
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J
Je ne suis pas si sûr que cela que ce soit un raccourci... et c'est bien ce qui me fait peur et réagir. Car qui autour de nous entend que dans cette phrase les mots "gagner plus" peuvent correspondre à autre chose qu'à de la monnaie sonnante et trébuchante ?Sûr, notre président se gardera bien de dire le contraire, mais combien sont ceux qui pensent, en premier lieu, à l'argent ?
J
Ce billet est infiniment plus complet et plus attrayant que le mien, comme quoi, le travail à plusieurs...
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J
et sans ramasser un radis...
D
Il y a aussi le film de Pierre Carles, dont j'ai oublié le nom... "Volem rien foutre al pais", un truc comme ça... Tout à fait d'accord sur le fond. Comme je dis: tout travail mérite salaire, mais tout salaire mérite-t-il travail?
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J
Ben, justement, non ! Moi je dis un peu le contraire : pourquoi tout travail devrait il mérier un salaire ? Ne peut-on pas travailler sans contre partie sonnante et trébuchante ? Ne peut-on pas donner de son temps pour une cause, sans recevoir de l'argent ?Par contre je ne parlerai donc pas de salaire mais d'allocation dissociée d'une quelconque contrepartie : pour faire des études, pour militer ou tout simplement pour vivre...