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Là où vont nos pères - Shaun Tan

27 Janvier 2008 , Rédigé par Jean-François Publié dans #Bandes dessinées

Laouvontnosp--res.jpgEt bien, nous avons bien fait de vous en rabbacher les oreilles  sur de nombreux blogs et sites littéraires. Car voici qu'en cette fin de janvier 2008, cet album obtient la consécration à Angoulême. Une occasion de publier à nouveau ce billet édité une première fois le 25 juillet 2007.

Voici un livre atypique au message si fort : Là où vont nos pères de
Shaun Tan.

Pour commencer, il y a un parti pris graphique et littéraire :  raconter une histoire sans texte et pourtant pleine de bruits et de mots, avec des images qui oscillent entre réalisme et fantastique. Le ton employé, souligné par la teinte ocre et brune du dessin, place le récit sur un pont reliant deux mondes : les mondes réels et imaginaires, l'ancien monde et le nouveau monde, la fin agonisante du XIX° siècle et le XX° siècle naissant. C'est un travail de longue haleine qu'a accompli Shaun Tan : plus de quatre années pour accoucher de cette bande dessinée. Ce récit est en partie autobiographique puisqu'il est basé sur le témoignage de son père, Malaisien d'origine, migrant en Australie. Mais c'est aussi un travail d'enquête auprès de nombreux migrants de nombreux pays et de différentes époques. Les portraits, si poignants qui sont sur les pages intérieures de couvertures sont inspirés de photos de passeports et de migrants prises à Ellis Island entre 1892 et 1954.

Vous l'aurez compris, nous voici plongé, dès les premières pages dans une aventure hors du commun et intemporelle, celle d'un homme prêt à quitter sa famille (femme et enfant) pour tenter de  trouver une vie meilleure ailleurs. Avec cette question qui taraude tant d'hommes : "Existe-t-il une chance pour moi là-bas ?" et cette autre qui en inquiète tant d'autres : "Pourquoi ne restent-ils pas chez eux ?". Mais
Shaun Tan nous montre aussi qu'il existe non seulement une solidarité active entre migrants, et que leur accueil pourrait être différent. Si sa vision est utopique (et là Shaun Tan nous entraine dans un univers fantastique pour bien montrer la césure qui s'opère avec la réalité) elle n'en est pas moins plausible. Les trouvailles graphiques nous offrent cette liberté d'imaginer, une nouvelle fois, ces ponts entre notre monde et sa vision. Lorsque le paquebot, chargé de migrants entre dans le port du nouveau monde, on reconnait la mégapole de New-York grâce sa statue monumentale. Mais à la place où doit se trouver la fameuse statue de la Liberté, nous découvrons deux statues gigantesques qui se saluent en se serrant la main et en se prosternant un peu. L'arrogance de la statue de la Liberté, symbolique à souhait (l'Amérique moderne n'est-elle pas arrogante ?), et qui a dû offrir à tant de migrants un espoir de liberté enfin acquise et revendiquée, laisse place à une statuaire qui donne l'image rassurante d'un pays qui sera à vos côtés et ne vous laissera pas tomber. A partir de là, tout s'enchaine : l'enregistrement administratif, la recherche d'un toit, de nouriture, de travail, les rencontres, l'apprentissage de la langue... et enfin l'amitié, le partage et le regroupement familial, happy-end synonyme de réussite et d'un nouveau commencement.

Voilà une bande dessinée essentielle pour nous amener à réfléchir sur cette épineuse question des migrations internationales, sur les notions d'accueil et d'intégration des migrants.
Shaun Tan donne le point de vue des migrants et n'hésite pas à nous questionner sur ces sujets de société. C'est une oeuvre magistrale, d'une immense qualité !


Les liens :

Là où vont nos pères
de Shaun Tan, Dargaud, collection Long Courrier, Paris, 2007 - 15,00 €
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J
Beau commentaire pour cette BD fabuleuse !Il y a effectivement beaucoup de questionnements dans cette riche histoire...
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J
<br /> merci...<br /> <br /> <br />
H
J'ai beaucoup aimé cette BD sans parole mais qui dégage beaucoup à travers les images et on comprend tout a fait l'exil de ces personnes... c'est très touchant et le graphisme magnifique!Je te rajoute dans mes liens, biz
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J
merci bien...
F
Ah je suis ravie d'apprendre que cet album vient d'obtenir la consécration d'Angoulême, il est vraiment superbe.je n'ai malheureusement pas eu encore le temps de lui consacrer un article...
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J
à faire...
J
Très bel album, superbe graphisme, et malgré l'absence de bulles voilà un titre qui n'est pas prêt de finir de faire du bruit
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C
GGGRRR Il est noté en rayon à la bib mais il n'y est pas, en rayon  :-((((
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J
à croire qu'on est maudit : c'est le coup classique qui arrive à tous les bilbiothécaires dès lors qu'ils ont envie de se faire un petit plaisir... Rageant n'est ce pas ?
C
Je suis heureuse que cet album hors du commun ait été couronné à Angoulême. C'est un de mes coups de coeur de l'année et j'en garde une certaine nostalgie! Un album que je vais m'offrir pour pouvoir retrouver cette force et cette profondeur!
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G
C'est bien que le prix soit pour "là où vont nos pères", et , comme alan, je suis ravie de voir figurer au palmarés "La Marie en plastique" et "Ma maman est en Amérique". Enfin j'attends avec impatience de lire  "Trois ombres" !
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J
Toujours pas lue cette "Marie en palstique"...ni "Trois ombres" d'ailleurs...
G
J'ai vu ça... et justement mon chéri ne l'a pas... il va rapidement être à la maison cet album...
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A
On a le droit, ça, de recopier des articles déjà parus ? C'est pas de la triche ?Je n'ai que feuilleté cet album il y a quelques mois, et lu cet article en son temps, mais introuvé ce bouquin chez mon libraire préféré (sniff, qui ferme définitivement ses portes cette semaine).Moi, du moment qu'il y a La Marie en plastique et Ma maman parmi les 6 incontournables, je suis ravi.
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S
très beau post jean François pour ce très beau livre ! bravo et merci pour le compliment !
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